Finies les déclarations préalables de traitements de données RH ! C'est la conséquence d'un règlement européen qui entrera en vigueur en 2018. Adopté au printemps dernier, il marque le passage vers une logique de responsabilisation des entreprises et de mise en conformité tout au long de la vie des traitements. Les entreprises doivent dès à présent réinterroger leurs process.
La date d'entrée en vigueur peut paraître lointaine. Pourtant les entreprises ont intérêt à se pencher dès à présent sur le nouveau règlement européen sur la protection des données du 27 avril 2016, qui était en discussion depuis 4 ans, et qui sera directement applicable dans les Etats membres à partir du 25 mai 2018. Il concerne l'ensemble des informations personnelles collectées, ce qui signifie que l'ensemble des traitements RH déjà mis en oeuvre à cette date devront être mis en conformité d'ici là aux nouvelles régles édictées par le texte européen.
Moins de déclarations mais une plus grande responsabilisation
- "Les entreprises devront intégrer la protection de la vie privée dès la construction du traitement de données ;
- Elles auront l'obligation de s'outiller en interne, notamment en documentant le traitement et les règles de sécurité mises en oeuvre auxquelles pourront avoir les personnes concernées (salariés, clients,...) et la Cnil en cas de contrôle ;
- Enfin, l'obligation pour les entreprises de désigner un Délégué à la protection des données qui succèdera à l'actuel Correspondant informatiques et libertés (CIL) qui reste purement facultatif".
Uniformisation des droits européens
Une conformité tout au long de la vie du traitement
Toutefois, la disparition du process déclaratif va entraîner le respect de nouvelles obligations qui ne seront pas forcément plus simples à gérer pour les entreprises. Car derrière, se profile une responsabilisation accrue des entreprises face aux multiples base de données et informations détenues. "Les entreprises devront mettre en place des processus internes qui permettront de prouver - en cas de contrôle - qu'elles gèrent leurs données de manière conforme. Et les entreprises ont un peu moins de deux ans pour prendre connaissance de ce règlement et mettre en oeuvre leurs politiques internes afin d'être en conformité le jour J", insiste Cécile Martin. Elle recommande d'ailleurs vivement aux entreprises de "s'y mettre tout de suite et, au fur et à mesure, de s'approprier la nouvelle logique de règlement. Ce sera aussi l'occasion de faire le tri dans les multiples traitements et de s'interroger sur les nouveaux traitements mis en oeuvre".
Des salariés mieux informés
L'information des salariés devra également être renforcée notamment sur la durée de conservation des données, les finalités du traitement, les cas de recours vis-à-vis de la Cnil, le code de conduite, la tenue des registres,... "Il faudra rentrer davantage dans le détail car les contrôles s'effectueront principalement a posteriori", poursuit Cécile Martin.
Le rôle de la Cnil renforcé sur les contrôles a posteriori
Le règlement européen impacte aussi le rôle de la Cnil. Fini le droit de regard préalable, la Cnil va basculer dans un processus de contrôles uniquement postérieurs à la mise en place des traitements de données. "Avec la loi de 1978, nous en étions arrivés à un point où cela n'avait plus de sens d'envoyer une déclaration si derrière les entreprises ne respectaient pas leurs obligations ; la Cnil sera plus efficace sur des contrôles a posteriori", estime Cécile Martin. Ce que confirme le secrétaire général de la Cnil : "Ces formalités préalables ne correspondent plus à la réalité des traitements de fichiers évolutifs. Se demander si on a effectué la bonne formalité ne suffit plus. Notre environnement technologique ne correspond plus à une logique de déclaration préalable. Les entreprises doivent se poser les questions en temps réel. Aujourd'hui la question est d'assurer la protection maximale des données à tout moment et une mise en conformité permanente".
Adieu aux correspondants informatique et liberté, bienvenue aux délégués à la protection des données !
Avec l'évolution de la Cnil, c'est aussi les missions des Correspondants informatiques et libertés (CIL) qui vont évoluer. De nouveaux "Délégués à la protection des données vont voir le jour. C'est l'un des chantiers prioritaires actuels de l’Association Française des Correspondants en Données Personnelles (AFCDP). Créée en 2004, elle regroupe près de 2 000 CIL et se veut un lieu d'échanges, de réflexions et de représentation des CIL.
Des sanctions renforcées
Ces nouvelles mesures vont aussi s'accompagner d'un renforcement des sanctions qui pourront atteindre de 2 à 4% du chiffre d'affaire de l'entreprise. Par ailleurs, souligne Edouard Geffray, "lorsque les traitements seront transnationaux avec, par exemple, une RH centralisée au niveau européen, un guichet unique sera mis en place pour l'entreprise ; la "Cnil" du pays sera la "Cnil" de référence. Et en cas de sanction, une procédure européenne sera appliquée.
Des obligations renforcées en cas de perte ou de vol de données |
---|
Les entreprises vont être davantage responsabilisées également en cas de perte ou de vol de données. "Jusqu'à présent l'obligation d'informer les clients ne concernaient que les opérateurs téléphoniques ; c'est désormais étendu à tout type d'entreprise. Si un ordinateur portable est volé ou perdu, l'entreprise devra avoir un process interne pour le déclarer à la Cnil dans les 72 heures si cela risque de porter atteinte aux droits et libertés des salariés ou des clients", explique Cécile Martin. L'entreprise devra remplir une fiche et préciser le type de données traitées, qui a accès aux données, les personnes concernées par le vol. Elle devra tout de suite prendre les mesures de sécurité nécessaires. Dans certains cas, l'employeur pourra également être dans l'obligation d'en informer ses salariés.
En somme, "l'entreprise va devoir gérer les failles de sécurité". Autant dire que toute perte d'un smartphone d'un collaborateur risquera d'entraîner de lourdes conséquences si le téléphone ne peut pas être bloqué ! La sécurité informatique est déjà centrale ; elle va devenir un enjeu majeur dans les entreprises. "80% des contrôles que nous réalisons débouchent sur des observations et des mises en demeure qui comportent des aspects de sécurité : mots de passe, protocoles non chiffrés, bases de données obsolètes,...", précise ainsi Edouard Geffray. |
► La section du droit à la vie privée de l’IAPP propose de suivre un webinar sur "Les 10 conséquences pratiques les plus importantes du RGPD le 13 octobre 2016 de 16 heures à 17 heures.
En présence de : Chantal Bernier, ancienne commissaire à la protection de la vie privée du Canada ; conseillère juridique pour la protection de la vie privée et la cybersécurité, Dentons, Yann Padova, commissaire à la Commission de régulation de l’énergie (France) ; ancien secrétaire général de la Cnil et Florence Raynal, responsable du Service des affaires européennes et internationales à la Cnil
